Ayako review

pikachu349
Apr 04, 2021
D'oSamu Tezuka, je suis assez loin d'avoir tout lu, mais Ayako m'a tout de même étonné pr une noirceur et un"maturité" à laquelle je ne m'attendais pas, même après des mangas tels que l'histoire des 3 Adolf. En 3 tomes massifs, le maestro à bonnet imbrique donc l'histoire d'une famille maudite, glauque et malsaine, dans celle du Japon d'après-guerre, de la tutelle américaine de 1949 à l'époque de la publication du récit en 1972.

Et c'est plutôt très intéressant ! Le contexte historique dévoile donc, avec un à priori sans doute un tantinet nationaliste, quasiment indépassable au Japon, même chez un Tezuka qui semble avoir une certaine sympathie pour les gauchistes, la mainmise des américains sur des affaires internes. Ainsi, les licenciements massifs dans le secteur du rail exposent des américains belliqueux, magouillant divers assassinats dans l'ombre pour faire plier les syndicats qui menacent de grève, tandis que le nouveau directeur va (peut-être?) jusqu'au suicide. Cette trame politique obscure donne un relief non négligeable à la famille des Tengé dont il va par ailleurs être question, et dont le benjamin, Jiro, revenu de la guerre après avoir été fait prisonnier, est condamné dans un premier temps à jouer les agents doubles (et maquiller les meurtres ferroviaires évoqués ci-dessus).

La famille Tengé, reliquat féodal de seigneurs agraires, se voit, elle, dépossédé de ses terres et de son influence et est tenu par un patriarche et son fils aîné, peu scrupuleux, libidineux et prêt à tout pour maintenir leur pouvoir. Noirceur d'un système d'arrière-garde dans laquelle Tezuka plonge le lecteur avec un effroi perpétuellement renouvelé. Droit de cuissage, négociations sexuelles, inceste... La famille vis en vase clos et ne s'encombre d'aucune moral. La jeune génération semble certes un peu plus lumineuse, avec une fille progressiste engagée chez les gauchos (le PPT, parti apparemment fictif mais inspiré par les socialistes/communistes), un cadet de 12 ans brillant et empreint d'un embryon de sens de la justice et de l'empathie qui semble faire défaut aux autres (Shiro) et, enfin, la jeune Ayako, d'une candeur enfantine qui semblerait pouvoir éclore un un bourgeon salvateur... Mais par la force de la pression familiale (une excommunié, un dépravé et une séquestrée), la nouvelle génération semble gangrénée par les moeurs féodales puantes des Tengé.

Aussi, dommage que pour cette démonstration salutaire du caractère rapace d'une aristocratie sur le retour, et un machisme plus que toxique, mortellement venimeux, Tezuka appuie un peu trop lourdement : Ayako séquestrée devient, comme chez l'agaçant Lars Von Trier, un objet sexuel. Bien sûr que, coupée du monde, telle Kaspar Hauser, celle-ci développe une personnalité non moralisée par la socialisation, semble plutôt logique, mais l'insistance débridée avec laquelle Tezuka se complaît dans les scènes de sexe de la plus en plus voluptueuse Ayako penche parfois vers une forme de voyeurisme malsain qu'il entend sans doute, un peu hypocritement dénoncer. Ou une énième itération de la perversité japonaise, qui recule assez peu devant la transgression de l'inceste ou du viol, visuellement. Malaise d'autant plus étrange que le trait de Tezuka demeure relativement naïf, enfantin, avec une mise en scène qui se défriche encore (la séquence sur une vingtaine de pages copié-collées sur un même fond de décor, comme un embryon de dessin animé).

Malgré tout, en dénonçant l'oppression masculine et aristocratique, tout en l'inscrivant dans un rapport de domination sociétale (un amalgame d'ingérence colonialiste américaine, de politiciens pourris et de mafieux : le tout étayé par un troisième tome 70s après une ellipse qui dévoile l'enrichissement de ces milieux après la Guerre de Corée, par la sidérurgie militaire), et en optant pour un final tragique (le récit est émaillé de meurtres et suicides, mais connaît une accélération finale fulgurante).
Faire un don
0
0
0

commentaires

Ayako
Ayako
Auteur Tezuka, Osamu
Artiste